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Loi « immigration » : « Le moment politique que nous vivons éclaire surtout l’aveuglement stratégique du parti Les Républicains »

Le durcissement du projet de loi sur l’immigration adopté par le Parlement marque un tournant politique majeur. En posant de manière implicite un principe de préférence nationale sous couvert de conditionner l’accès aux prestations familiales et aux aides au logement à cinq ans de séjour régulier, la loi offre une victoire symbolique au Rassemblement national de Marine Le Pen.
Au-delà des inquiétudes légitimes qu’il suscite, le vote de ce texte illustre deux grands phénomènes en Europe que sont, d’une part, la normalisation de l’extrême droite et, de l’autre, la radicalisation des droites classiques. Le moment politique que nous vivons en France éclaire surtout l’aveuglement stratégique du parti Les Républicains (LR) et la rupture idéologique consacrée par l’élection d’Eric Ciotti à la tête du mouvement, en décembre 2022.
La reprise par la droite des thèmes du Front national (FN) n’est pas une nouveauté. Elle remonte au milieu des années 1980, au moment où le parti lepéniste engrange ses premiers succès électoraux et menace directement le Rassemblement pour la République et l’Union pour la démocratie française. Il suffit de rappeler ici les lois de 1986, 1993 et 1997 des gouvernements de droite, qui, déjà, remettaient en cause le droit du sol ou le regroupement familial. On se souvient également des « charters » de Charles Pasqua ou de la récupération par Nicolas Sarkozy de l’identité nationale en 2007, sans oublier le discours de Grenoble de 2010, qui restera un marqueur fort de la dérive ethno-culturaliste et sécuritaire de la droite française. Quelques années plus tard, François Fillon y ajoutera une dimension réactionnaire en se rapprochant des mouvements d’opposition au mariage pour tous.
La singularité du moment actuel de la droite française tient, cependant, à la combinaison de trois facteurs. Le premier est la fin d’une forme de double discours, illustrée notamment par Nicolas Sarkozy, où la récupération des idées du FN pouvait encore cohabiter avec un certain pragmatisme en matière de politique migratoire, de régularisations ou d’organisation du culte musulman en France.
Un deuxième facteur tient à l’affaiblissement des secteurs modérés au sein de LR, là où, historiquement, la coexistence des libéraux et des conservateurs assurait la recherche de compromis et d’un relatif équilibre dans la formulation des grands enjeux programmatiques et stratégiques. Plus rien de cela, semble-t-il, dans l’approche jusqu’au-boutiste de LR tout au long des débats autour de la loi.
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