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« Ma mère ne prononce jamais le nom de mon petit ami, c’est toujours “ce type” ou “ce mec” »

La première fois que ma mère a renié mon compagnon, Emin (le prénom a été modifié), c’est le jour même où elle l’a rencontré, il y a trois ans. Il vient d’Azerbaïdjan, et moi, du Luxembourg, et nous nous sommes rencontrés en France, où nous étudions tous les deux. Nous étions ensemble depuis un an déjà lorsque j’ai organisé un brunch pour que ma mère le rencontre. Ça a été catastrophique.
Elle a découvert qu’il était musulman alors que je lui avais dit qu’il était chrétien orthodoxe, parce que je savais qu’elle n’aurait pas voulu le rencontrer autrement. Pendant que j’étais aux toilettes, elle lui a demandé quelle était sa religion. Il n’a pas réalisé l’importance de la question pour elle. Il lui a répondu qu’il était de confession musulmane, mais non pratiquant. Elle est restée polie, mais a été très froide tout au long du déjeuner. Et, après coup, elle a très mal réagi. Elle m’a dit que c’était une honte, qu’elle ne voulait plus jamais le revoir. Elle lui a même reproché d’avoir un accent, alors que nous en avons un toutes les deux, nous sommes Luxembourgeoises !
C’est absurde, nous venons d’une famille chrétienne, mais nous n’avons jamais été pratiquants, c’est plutôt culturel. C’est pareil du côté de mon copain, et la religion n’a jamais été un sujet pour nous, ni pour sa famille… Je n’ai pas honte de ma vie, je ne fais rien de mal. J’aime mon copain et la vie que j’ai avec lui.
Depuis ce jour-là, évoquer mon compagnon est devenu tabou. Quand nous sommes réunis en famille, ce sont des situations très particulières parce que tout le monde le sait, mais personne n’en parle quand ma mère est là. Personne ne me pose de questions. Toute ma famille est au Luxembourg, mais il n’y est pas le bienvenu.
Ma mère ne prononce jamais le nom de mon ami, c’est toujours « ce type » ou « ce mec ». C’est lourd à porter, j’ai l’impression d’avoir une double vie. Ma vie ici, où tous mes amis connaissent Emin, avec qui je vis désormais. Et ma vie quand je rentre au Luxembourg, où je fais semblant d’être célibataire !
Pourtant, mon père, mon frère, ma grand-mère n’ont aucun problème avec lui, ou sa religion. Mon père est neutre, il ne veut simplement pas entrer en conflit avec ma mère. Alors il ne dit rien. Mais parfois, quand ma mère part faire des courses et que nous sommes seuls à la maison, il me pose quelques questions sur Emin. Ma grand-mère paternelle, elle l’adore ! Nous la voyons tous les dimanches en visio, à chaque Noël, elle me demande pourquoi je ne l’amène pas…
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